Les Végétales

[…] Cette frontière entre abstraction et figuration on la retrouve dans vos sculptures récentes qui, elles, font penser à des végétaux.

 Ce sont des allégories de la nature, proches d’une symbolisation de sa texture sensuelle, avec une recherche sur le toucher, sur la forme, sur le rythme. Au départ, c’était une volonté de me rapprocher du monde naturel, des éléments essentiels. Et ce qui m’importait c’était précisément de me situer entre l’abstrait et le figuratif, comme dans mes torses d’ailleurs. C’est la raison pour laquelle chaque fleur, chaque plante a une forme symbolique, métaphorique et en même temps telle ou telle partie fait penser à une corolle, une feuille, un pistil… Il s’agit donc d’une évocation, comme signe d’une prise de conscience d’un besoin de nature et de la fascination qu’elle exerce. Mon but n’est absolument pas de représenter une fleur ou une plante particulières, reconnaissables. Ça n’aurait aucun intérêt. Je préfère de loin cette mise en relation de formes, ce jeu de frontières et d’évocations qui laissent le spectateur beaucoup plus libre. En fait, j’évoque la nature sans la figurer.

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« Lutte dans le sillage », 1997, pierre bleue belge et disque diamanté, 23 x 30 x 14 cm

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"La Petite Mannequin", 1996, pierre de Tavel, collection particulière

Pourquoi utilisez-vous principalement la forme de la spirale pour structurer ces formes végétales ? 

"Vrille I", 2004, pierre vleue belge, 21 x 44 x 13 cm
"Vrille I", 2004, pierre bleue belge, 21 x 44 x 13 cm

 Tout simplement parce que c’est une figure fondamentale aussi bien dans le monde végétal qu’animal. Je l’ai choisie pour indiquer le parcours ascensionnel du vivant à la recherche de la lumière. Dans la spirale, j’aime progresser en jouant avec les sillons, les ondulations, les variations d’ouverture, les gorges, en marquant les nervures avec le disque. Au début, le parcours torsadé évoluait autour d’un axe vertical puis je cintrais cet axe pour donner plus de vie, plus de mouvement à la forme spiralée et ainsi la faire danser. En même temps je bombais aussi le volume de la base, comme une métaphore du ventre. Puis j’ai étiré, allongé cette base-support, elle a pris l’allure d’une tige sur laquelle j’ai posé une corolle et un pistil spiralés pour évoquer la flore. Mais en fait, là encore, ce qui m’importe c’est uniquement de suggérer ce monde végétal, sans références précises. Depuis quelques temps, j’ai couché la spirale, je l’ai mise à l’horizontale pour l’appréhender autrement dans l’espace et augmenter la diversité des angles de vue. […]

extraits de l’interview avec Henri-François Debailleux, critique d’art